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La cloche 2013
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CHRONIQUE EDUCATIVE-LA QUESTION MORALE

Un casse-tête de la morale professionnelle: Le fouet…

 

1

 Les autorités éducatives dans les établissements scolaires,  dans leur discours de chaque jour disent promouvoir une discipline intégrant à la fois fermeté et humanisme. Elles sont ainsi persuadées que la discipline représente la voie royale  du  succès. Or, le fouet officiellement prohibé a élu officieusement domicile dans la quasi-totalité des établissements du système éducatif camerounais (aussi bien dans le secteur public que privé, aussi bien dans le privé laïc que confessionnel) ; au mépris des lois édictées en la matière aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. En effet, ni la Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 Décembre 1948 en son article 5, ni la Déclaration relative aux droits de l’Enfant du 20 Novembre 1959 au paragraphe 3 de son préambule, ni la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 Novembre 1989 en son article 19, ni même la loi d’orientation de l’Education du 14 avril 1998 au Cameroun en son article 35 ne parviennent plus à décourager les encadreurs fouettards ; les diverses réalités sur le terrain résistant à ces diverses proscriptions et faisant mentir toutes ces lois pourtant toujours en vigueur. La résistance du germe à tous les antibiotiques devraient donner à penser que les problèmes éducatifs ayant abouti à toutes ces légalisations avaient été mal posés. Le fouet ayant été perçu uniquement comme un mal qu’il faut absolument éradiquer, et non aussi comme une conséquence de certaines pathologies  sociales qu’il aurait fallu en amont diagnostiquer, identifier et soigner. Les détracteurs de l’interdiction du fouet prétendent que les idéologues, activistes et législateurs des droits de l’enfant ne veulent pas aborder les vrais problèmes au risque de se voir eux-mêmes éclaboussés ; craignant qu’en voulant trop remuer cette  boue ils finissent par y percevoir leurs propres visages. Ces ennemis de la suppression du fouet prétendent que le discours prohibitif sur le fouet des enseignants et surveillants à l’école ressemble à un pansement supplémentaire juxtaposé sur d’autres pansements inutiles pour éviter l’incontournable intervention chirurgicale. Ces partisans inconditionnels de la chicote ajoutent que sa condamnation est une curieuse façon de chasser le naturel qui reviendra au galop, de noyer un poisson vivant qui sait nager, de casser le thermomètre pour ne plus voir la température qui monte.  On dit que certaines personnes très actives dans la propagande moralisatrice contre le châtiment corporel à l’école sont en réalité de redoutables tortionnaires dans leurs rapports quotidiens avec leurs propres enfants ; arguant dans leur voisinage que Dieu seul a le droit de les empêcher d’administrer la correction qu’ils jugent efficace.    

Ce ne sont pas les arguments convaincants qui manquent chez les avocats de cette pratique que l’on dit contraire aux droits de l’enfant. Dans les établissements confessionnels on rappelle que le fouet à une certaine époque ne faisait que du bien aux enfants ; étant donné que « qui aime bien châtie bien » ; ajoutant que JESUS même, le plus tolérant, le plus pacifiste des humains s’était servi du précieux instrument pour mettre de l’ordre dans un temple profanés par les praticiens d’un trafic peu orthodoxe. Ceux-ci ne comprennent pas pourquoi il y a tant de résistances aujourd’hui contre un vieux et bon remède, le plus efficace pour l’homme noir, selon eux  depuis la période coloniale. S’appuyant sur l’histoire de leurs ancêtres, ils affirment que, ceux qui  ont apporté « la civilisation » et  sorti l’homme noir des ténèbres de la « barbarie » disaient à qui voulait les entendre que « les oreilles du nègre se trouvaient sur ses fesses » et que « les châtiments corporels infligés à son encontre équivalaient à des repas complets». Bien des choses légitimées longuement  par le colonisateur, et gravées dans l’imaginaire collectif des peuples africains décolonisés, en vertu de ce qu’Achille MBEMBE appelle « la généalogie de l’esclavage et des esclaves »[1] . N’a-t-on pas de nos jours tendance à occulter certaines attitudes pouvant justifier la persistance de ce que nous décrions : beaucoup d’enfants en milieu scolaire sont issus  des familles où les parents ont brillé par l’irresponsabilité morale ; de telle sorte que, ayant perdu tout repère éthique, ils ont été envoyés avec « de gros cœurs » dans les établissements scolaires qu’ils s’activent quotidiennement à déstabiliser, en les rendant invivables sur le plan social et ingérables sur le plan pédagogique (ils pourrissent les établissements avec les bagarres, les attitudes grossièrement insolentes et méprisantes, frappent sur les enfants des autres parents, les briment, vandalisent les installations, chiffonnent, agressent les enseignants et entretiennent la féroce loi de la jungle sur les campus).

Il faut reconnaître que, malgré tout,  la persistance du fouet n’est pas une bonne nouvelle pour tous. Les psychologues de l’enfance et de l’adolescence démontrent que son usage, en même temps qu’il endurcit ceux qui reçoivent continuellement de telle corrections tout en accentuant leurs déviances peut facilement traumatiser et faire trépasser les plus fragiles (entendu qu’à première vue, dans la civilisation actuelle, celle des « poulets de fermes », les apparences de mieux-être et santé  sont généralement trompeuses ; car on a vu des gens avaler leur acte de naissance après avoir reçu un seul coup de fouet. Et beaucoup gardent encore en mémoire le souvenir de cette tragédie survenue au lycée de MENDONG à YAOUNDE en 2002).

 

Cependant, tout le dilemme, sur le plan de la pratique éducative se situe ailleurs. En effet, les enseignants et surveillants qui gèrent tous les enfants et qui sont soucieux de les protéger  équitablement, se posent de nombreuses questions auxquelles selon eux les experts de la moralisation contre le fouet ne sont pas capables d’apporter des réponses alternatives et conséquentes. Pour illustrer cela, notons celles qui vont suivre : 1- Comment traiter ceux des  élèves qui ne communiquent avec leurs camarades de classe qu’avec des injures méchantes et  coups de poings ? 2-Comment traiter ceux qui prennent un malin plaisir à chiffonner leurs enseignants ? 3-Un enseignant qui s’estime physiquement fort et qui voit un de ses élèves lui porter la main dessus, va-t-il le laisser l’agresser, va-t-il se laisser humilier pour se conformer à la loi (lorsqu’il sait qu’une autre loi a prévu la possibilité de la légitime défense ) ?  4-Comment parler efficacement le langage de la douceur à ceux des enfants qui ont été entraînés très tôt à la chicotte par leurs parents et qui par conséquent ne sont véritablement réceptifs qu’à ce mode de communication?

 

Tout ce qui précède ne nous empêche certes pas d’adhérer sans réserve aux diverses réglementations interdisant le recours à la violence contre les enfants. Elle nous incite seulement à plus de prudence, de modération et de réserve dans les jugements que nous serons désormais tentés de  porter  sur les éducateurs, fussent-ils fouettards. Nous ne disons pas que les personnels enseignants et éducatifs recourant à de telles méthodes sont des anges ; nous ne croyons pas non plus que de telles  pratiques sont pédagogiquement défendables.  Nous disons simplement et en toute sincérité que compte tenu de la complexité des situations auxquelles sont  confrontés les acteurs éducatifs à différents niveaux, combattre l’usage de la chicote n’est intellectuellement honnête que si en amont, l’on s’attaque efficacement, conséquemment et victorieusement  à ses causes profondes (constituées par exemple par les pourritures et pourrissement comportementaux, les renversements pernicieux des échelles de valeurs, l’absence de responsabilité réciproque ainsi que le non respect du principe des interactions dans champ éducatif). On dit souvent que « si chacun balaie devant sa porte, tout le village sera propre ». Or, si la société et les systèmes éducatifs modernes veulent des solutions constructives, ils doivent se garder de verser dans le ponce-pilatisme, et la langue de bois ; ils doivent en outre éviter de se rendre mal voyant et mal entendant devant les multiples et parfois horribles turpitudes des enfants qui fréquentent nos écoles.  J’ai l’assurance que la « non-violence étant une merveilleuse utopie », l’éradication du fouet, qui en est une concrétisation passera nécessairement par une révolution individuelle et collective ; la révolution comme dit le philosophe Jean Marie MULLER consistant à « changer la façon de voir ». « Avouons avec Joseph NGOUE que, pour changer le monde, il faudra changer l’homme ; car du cœur de l’homme dépendra l’avenir du monde. »

 

Désiré CHOUNGOUI TALLA ; APM de français et encadreur du CACC[2]

 

 

 

VIOLENCES SCOLAIRES ET FAMILIALES: LES TEXTES LIBRES DES ELEVES EN TEMOIGNENT

 

 

  1. 1.       « Une bagarre au collège»

 

Abel Johan NGUENO CHOUNGOUI ; 6ème

Le lundi 21 janvier 2013, à la grande pause de midi, s’est produit une bagarre entre deux élèves dans l’enceinte de l’établissement.

                Lorsque les choses ont commencé, j’étais dans notre classe en sixième : j’ai vu des élèves dans la cour, entrain de courir, en criant : « oh ! la bagarre ! » Certains disaient : «  Gars c’est un élève interne contre un  externe ! Allons voir ! C’est chaud ! Il y aura match ! »

         Sans tarder, j’ai moi aussi bondi sur la cour, en criant : « La bagarre ! La bagarre ! La bagarre ! »

         En quelques secondes j’étais déjà sur le lieu de l’affrontement. Là-bas j’ai vu un élève externe qui tenait son camarade interne par le collet (le col de la chemine) et qui, après l’avoir  soulevé du sol, l’a raclé, l’obligeant à s’écrouler sur le sol, salissant sa tenue de classe.

         Aussitôt, le surveillant d’internat alerté par le bruit et les mouvements de foule, est arrivé sur les lieux, et a demandé aux deux élèves en conflits de le suivre dans son bureau.

        A ce moment précis, comme notre professeur principal allait vers notre salle de classe, nous les élèves de la sixième présent sur la cour à ce moment, avons eu peur, avons regagné précipitamment nos places, et sommes restés calme, chacun à sa place.

        Quand il est entré dans notre classe, il avait perdu son sourire : il était devenu très furieux. Curieusement, à peine avait-il tourné le dos que nous avons entonné : « Un externe a rossé un interne !» ; une information qui a beaucoup plu à Loïc, l’un de mes camarades de classe, lui-même interne. Il a répliqué : « Où étais-je? Si j’avais été présent cela ne se serait pas produit. Je serais descendu avertir mes camarades du dortoir, ceux-ci auraient accouru massivement et vous auriez vu la bagarre générale du siècle ! »

Lu  en classe de 6ème le vendredi, 25 janvier 2013

 

 

  1. 2.       « J’ai commis une erreur qui m’a value des coups de fouet»

Ornela MOTUE ; classe de 6ème

 

L’incident que je vais relater est survenu hier dimanche le 20 janvier 2013.

                Sans la permission de ma grand-mère, je suis allée accompagner ma voisine chez sa tante, nous sommes rentrées à 10H00. Une fois rentrée, je me suis installée chez la voisine.

                Mon frère est venu me tirer, m’a ramenée de force à la maison. J’ai pleuré et il est allé chercher une chicotte. Il m’a fouettée, j’ai crié si fort que tout le monde est venu savoir ce qui m’était arrivé.

                Ma grand-mère à son tour est arrivée. Elle m’a posée la question suivante : « Où étais-tu depuis la matinée ? » Je lui ai répondu : « Tata Laure m’avait demandé de l’accompagner au quartier latin. » Elle a enchaîné : « As-tu sollicité ma permission pour t’y rendre ? » Je lui ai répondu : « Tu n’étais pas là. Tu étais partie à l’église. »

                Ma grand-mère a pris le fouet à son tour. Elle m’a bastonnée, j’ai pleuré, j’ai crié, et elle m’a toujours fouettée. Je l’ai suppliée de me pardonner. Je lui ai promis que je n’irai plus jamais là-bas. Et elle m’a dit : « Que ce soit la dernière fois ! »

Lu pour la 1ère fois le lundi, 21 janvier 2013

 

  1. 3.       « Il ne faut pas séparer la bagarre !»

Lizandra MOBOU FOTSO ; 5ème

     C’était au premier trimestre de cette année scolaire 2012/2013. Ce jour après la première pause, nous élèves de la cinquième avions une heure libre.

     Je allée en classe de seconde pour voir ma grande sœur. Je me suis assise sur son banc, nous étions entrain de causer. Au tableau il y avait un groupe qui faisait des exercices de mathématique.

     Trente minutes après, s’est produit une scène : deux élèves ont commencé par s’échanger les injures. Après les injures il y a eu la bagarre. Tous les autres qui étaient présents dans la salle, les ont encerclés ; il y avait parmi des gens qui applaudissaient, des gens qui les supportaient.

     Mais il y avait aussi un garçon dans la classe nommé Valérie : comme il ne voulait que cette bagarre continue, il est venu séparer et quelqu’un dans le cafouillage l’a giflé.

     Depuis ce jour, quand je vois la bagarre je m’enfuis. S’il vous plaît chers amis, ne faites pas comme Valérie : quand vous voyez deux personnes entrain de bagarrer, ne séparez pas. Merci de m’avoir compris.

Lu en classe de cinquième le vendredi, 11 janvier 2013 

 

 

 

  



[1] « L’esclave qui longtemps après sa libération continue d’être heureux dans la maison du maître »

[2] CACC : Club d’Action Citoyenne et Culturelle du CEA

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